Biram Dah Abeid, Mauritanian antislavery campaigner and founder of Mauritania’s Initiative for the Resurgence of the Abolitionist Movement (IRA), receives the Courage Award and addresses the 12th Annual Geneva Summit for Human Rights and Democracy — see quotes below, followed by full prepared remarks.
On slavery in Mauritania:
“Our parents, looked after the cattle, dug the well, prepared the food and the bed, accompanied the caravans under the blazing sun, barefoot, without wages, day and night.”
“Our women were scarecly clothed and they were raped. Our offspring were given as wedding and birth gifts.”
“We were sold and bartered for a heifer, a pearl in glass paste, an ankle ring or a miraculous amulet.”
On Mauritanian abuses:
“Our suffering is in no way attributable to the West, still less to colonization or the slave trade. It comes to us from within our African societies, under the influence of the East.”
“My country, Mauritania, is now the enabling environment for the establishment of an Islamist theocracy.”
On fighting oppression:
“When you are a child and you experience injustice inherited from your ancestors, confronting it is no longer an option. Resisting is a mean’s of survival. Your body and the spirit even in pain, command you to raise your head.”
“In April 2012, I decided after Friday prayers to burn, in front of witnesses, the so-called books of ‘Muslim law’ which codified the institution of slavery.”
“Immediately, the fanatical crowds submerged the mosques and the streets, demanding my crucifixion.”
“I was humiliated and ill-treated in a cell of less than two square meters, in hot weather, day and night.”
“Since December 2010, I have experienced four preventive detentions. My organization is still banned.”
“We want to persuade rather than arouse fear. For fear leads to one upmanship, and that kills. We choose life.”
On Mauritania being elected to the UNHRC:
“We can only underline the paradox of the Mauritanian State, which in January 2020 joined the Human Rights Council as it is gleefully flouting human diginity and violating human rights, even the most basic ones.”
Full Remarks in French. See below for English
Mesdames et Messieurs les membres de la coalition Sommet de Genève,
Chers membres du jury, honorable assistance,
La session 2020 du « Sommet de Genève, pour les droits humains et la démocratie » me décerne, aujourd’hui, le diplôme du courage. Que l’honorable jury reçoive ma gratitude. Cependant, je souhaite exprimer une nuance : lorsqu’enfant, vous expérimentez l’injustice, l’héritez de vos aïeuls et risquez de la transmettre à votre descendance, l’affronter ne relève plus d’une option. Résister, tient, ici, de l’impératif de survie ; parce qu’il subsiste en vous un brin d’espoir, un résidu de volonté, votre humanité vous commande de vous battre, par réflexe ; votre corps et l’esprit qu’il abrite, même meurtris, vous enjoignent de relever la tête. Voici pourquoi, je ne pense mériter une si prestigieuse médaille ; nul ne doit être félicité d’aspirer – et d’agir – à une existence de bonheur et de paix, à l’ombre de l’équité.
Nous autres, noirs de Mauritanie, rejetons d’esclaves depuis des siècles ou victimes plus récentes de ségrégation, savons la rançon des efforts de relèvement que nous intime la lucidité de notre état. A l’image de tant de nègres au fil du temps et des civilisations, j’ouvrais les yeux sur le constat brutal de mon infériorité, laquelle m’expliquait-on, procède de ma peau sombre, des origines païennes de mes ancêtres et de la volonté de Dieu. Vous le voyez, un si mauvais départ ici-bas, m’exposait à devenir, tôt ou tard, l’ennemi public de quelqu’un. A partir de 2008, année de création de l’Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M), j’ai cessé de fuir le déterminisme de la lutte et accepté la fatalité du sacrifice.
Au bout d’une décennie de manifestations réprimées, de condamnations, d’emprisonnement et de maltraitance dans les geôles d’un Etat digne de Hobbes, mes camarades et moi, subissions la conséquence prévisible de notre acharnement à refuser, récuser et vouloir déconstruire l’hégémonie raciale. En septembre, Ghaya Maiga, une esclave de 14 ans que ses maîtres exploitaient et frappaient, leur sera finalement livrée après audition par le juge d’instruction, malgré l’opposition ferme du procureur de la république. Ils s’empressèrent de la conduire, dans leur village, à plus de 800 kilomètres et postèrent des images et messages de victoire, sur les réseaux sociaux ; dans le passé proche, au service d’une frange de nos compatriotes, nos parents, gardaient le bétail, creusaient le puits, préparaient la nourriture et la couche, accompagnaient les caravanes sous le soleil ardent, pieds nus, sans salaire ni horaire de travail. Nos femmes, à peine vêtues, se prêtaient au viol ; notre progéniture servait de cadeau de noce ou de naissance. Dispersés en guise héritage, aux quatre points cardinaux, nous étions vendus et troqués, contre une génisse, un dromadaire, une perle en pâte de verre, un anneau de cheville ou une amulette miraculeuse. Voici, résumé, l’univers mental où, adolescent, je me retrouvais, en demeure de forger une identité et imaginer un avenir.
En avril 2012, las de m’inscrire, à chaque occurrence, dans la rhétorique des sacralisations imposées par nos maitres, je décidais, après la prière du vendredi, de brûler, devant témoins, les livres dits de « droit musulman » qui codifiaient l’institution de l’esclavage. Aussitôt, les foules fanatisées submergèrent les mosquées et les rues, exigeant ma crucifixion ; des semaines durant, les médias publics et privés leur offriraient le monopole de la parole et le Chef de l’Etat de l’époque vint cautionner l’appel au meurtre. Arrêté au grief de rébellion vis-à-vis de Dieu, je n’ai dû mon salut qu’à la mobilisation de mes frères et de nos soutiens extérieurs. Je ne regrette un tel geste et le referais, volontiers. Pour une raison qui m’échappe encore, les ambassadeurs du Maroc et de Russie me blâmèrent en public et celui de la Syrie me défendit, à la télévision du gouvernement. Aucun représentant du Monde libre ne m’apporta le soutien auquel je m’attendais, au nom des valeurs de laïcité, de l’idéal républicain ou du devoir d’ingérence. Je vous épargne le récit sordide des humiliations et des sévices, dans une cellule de moins de deux mètres carrés, par temps de canicule, jour et nuit. Ironie du sort, c’est de ma cellule, que je fus élu député, dès septembre 2018. Les soldats en charge de me surveiller m’ont paru tristes de leur réclusion dans l’univers carcéral ; je les quittai, sans trop de regret mais avec un brin de pitié. Depuis décembre 2010, j’ai vécu quatre détentions préventives. Mon organisation, toujours interdite, avoisine le record d’une vingtaine de procès. Aucun de nos tortionnaires n’a été inquiété.
A l’élection présidentielle de juin 2019, je talonnais l’actuel Chef de l’Etat, alors candidat des notabilités tribales et de l’armée. Malgré l’attestation massive de la fraude, je reconnus, le résultat erroné du vote. Ainsi, évitais-je, à mon bercail vulnérable, l’autodissolution dans une crise qui le livrerait au djihadisme, en embuscade alentour. Aux nouvelles autorités, j’ai tendu la main du dialogue ; je m’obstine à obtenir, d’abord, la reconnaissance d’associations et de partis réfractaires à la discrimination envers les noirs de filiation subsaharienne. Nous œuvrons à abroger la loi d’amnistie qui protège, depuis 1993, les auteurs de déportation de masse, de torture et de tuerie, forfaitures commises entre 1986 et 1991, au titre d’une tentative sanglante de changement de la démographie et d’effacement de la diversité linguistique, pour que la Mauritanie, enfin “arabisée”, tournât le dos au Sahel, sa vocation. Permettez-moi, ici, de vous montrer deux visages des victimes de la tentative de purification ethnique en Mauritanie : Houleye Sall, âgée de 80 ans, s’obstine, depuis bientôt trois décennies, à obtenir la réhabilitation de son fils unique. Un parmi des centaines d’autres suppliciés, le lieutenant Abdoulaye Sall mourut, à 31 ans, d’un écartèlement entre deux voitures en mouvement, sur ordre de ses supérieurs au sein de l’armée.
Nous ne pouvons que souligner le paradoxe qui consiste à ce que l’Etat Mauritanien, au lieu qu’il soit porté par son entrée récente en janvier 2020 au Conseil des Droits de l’Homme, à respecter ses engagements, bafoue allégrement la dignité des humains et viole leurs droits jusqu’aux plus élémentaires.
Notre souffrance n’est en rien imputable à l’Occident, encore moins à la colonisation ou à la traite négrière. Elle nous vient de l’intérieur de nos sociétés d’Afrique, sous influence de l’Orient. Comme nos géniteurs et leurs devanciers, nous endurions la persécution, infligée par nos concitoyens arabo-berbères ; pourtant, ensemble, nous partageons, la foi religieuse, le culte et souvent la langue.
Sur un autre front, nous continuons à réclamer l’accès équitable à l’état-civil et aux listes d’électeurs car nous habite la certitude de représenter une majorité d’au moins 70% de la population ; le poids des suffrages, un jour, obligera nos juges à cesser de couvrir le crime d’esclavage et de banaliser le « négrocide » ; ils glorifieront le droit international, accepteront un minimum d’universalité et renonceront aux feintes du relativisme culturel. Un jour, la Mauritanie abrogera l’article 306 du code pénal dont le zèle post-coranique punit de mort, séance tenante, le refus de prier, le blasphème et l’apostasie, sans possibilité de repentir. J’ai failli en mourir. Appliquer les lois de Daesh et prétendre combattre le terrorisme relèvent de l’aporie et d’un mensonge létal. Mon pays, la Mauritanie constitue, à présent, l’environnement favorable à l’instauration d’une théocratie islamiste. Cette vérité taboue, je l’assume devant vous, aujourd’hui, en qualité de lanceur d’alerte.
Je salue, ici, les centaines de jeunes, les dizaines de lettrés et d’intellectuels, braves dissidents, issus des féodalités que nous nous acharnons à défaire ; ils portent haut et loin, l’élan de générosité et de volontarisme où je puise l’intensité et la constance de l’argument. Avec votre permission, je leur dédie ce prix du courage.
Honorable assistance, la distinction de l’année consolide mon engagement sur la voie de l’alternance pacifique, grâce au pouvoir des urnes. Certes je ne puis respecter les valeurs de qui m’opprime mais, jamais, je n’encouragerai un coup d’Etat, une sédition ou un quelconque usage de la force. Les mots, vecteurs d’idées subversives et de propositions de réforme, restent nos armes exclusives. Nous voulons persuader au lieu de susciter la crainte. La peur mène à la surenchère, la surenchère tue et nous aimons la vie.
Je vous remercie.
Full Remarks in English
Ladies and gentlemen, members of the Geneva Summit coalition,
Dear members of the jury, honorable audience,
The 2020 session of the Geneva Summit for Human Rights and Democracy presents to me today the Courage Award. May the honorable jury receive my gratitude. Nevertheless, I would like to raise a point: when as a child, one experiences injustice, inherits it from their ancestors, and risks passing it on to their descendants, confronting it allows for no more than one option. To resist, which here is the imperative of survival; because there remains in you a bit of hope, a residue of will, your humanity commands you to fight, by reflex; your body and the spirit it houses, even if they are scarred, urge you to raise your head. This is why I do not think I deserve such a prestigious award; no one should be congratulated for hoping – and acting – in order to achieve a life of happiness and peace, in the shadow of fairness.
We, the black people of Mauritania, offspring of the enslaved for centuries or of more recent victims of segregation, know the price paid for us to be relieved and are lucid about our status. Like so many black people over time and civilizations, I opened my eyes to the brutal realization of my inferiority, which, I was told, stems from my dark skin, the pagan origins of my ancestors and God’s will. You see, such a bad start in life led me to become, sooner or later, someone’s public enemy. As of 2008, the year that the Abolitionist Resurgence Initiative in Mauritania (“Résurgence Abolitionniste en Mauritanie”) was born, I faced up to the fact and accepted the fatality of sacrifice.
After a decade of repressed demonstrations, condemnations, imprisonment and mistreatment in the jails of a state similar to the ones described by Hobbes, my comrades and I suffered the foreseeable consequence of our relentlessness in refusing, challenging and willing to deconstruct the racial hegemony. In September, Ghaya Maiga, a 14-year-old slave, whom her masters exploited and beat, was finally released after a hearing by the investigating judge, despite the firm opposition of the public prosecutor. They brought her to their village, more than 800 kilometers away and posted images and messages of victory on social networks.
In the recent past, in the service of some of our compatriots, our parents looked after the cattle, dug the well, prepared the food and the bed, accompanied the caravans under the blazing sun, barefoot, with no salary or working hours. Our women, barely dressed, lent themselves to rape; our offspring served as a wedding or birth gift. Dispersed of our heritage, scattered to the four corners of the earth, we were sold and exchanged for cattle, a camel, a pearl in molten glass, an ankle bracelet, or a miraculous amulet. This sums up the mental universe where, as a teenager, I found myself, in need of forging an identity and imagining a future.
In April 2012, tired of subscribing, at each occurrence, to the rhetoric of the sanctifications imposed by our masters, I decided, after Friday prayers, to burn, in front of witnesses, the so-called books of “Muslim Law” that codified the institution of slavery. Immediately, fanatical crowds flooded the mosques and streets, demanding my crucifixion; for weeks, the public and private media would offer them the monopoly to speak; even the head of state at the time came to support the call for murder. Arrested for the crime of rebelling against God, I was only saved thanks to the mobilization of my brothers and external support. I do not regret such a gesture and would do it again, gladly. For some reason that I still do not understand, the Moroccan and Russian ambassadors blamed me in public, while the Syrian ambassador defended me on government television. No representative of the free world gave me the support I expected, in the name of the values of secularism, the republican ideal, or their duty to interfere. I spare you the sordid story of humiliation and abuse, in a cell of less than two square meters, in hot weather, day and night. Ironically, it was in that very cell that I was elected deputy in September 2018. The guards in charge of watching over me seemed to me sad as they were confined in the prison world; I left them, without too much regret but with some pity. Since December 2010, I have been subjected to four preventive detentions. My organization, which is still banned, is nearing the record of around twenty trials. None of our torturers were worried.
In the presidential election of June 2019, I ran behind the current head of state, who was supported by the notable people of the tribe and the army. Despite the massive proof of fraud, I acknowledged that the result of the vote was wrong. Thus, I avoided, in my vulnerable state, dissolving my organization in the course of a crisis, which would provide space for jihadism to emerge. To the new authorities, I extended my hand for dialogue; I still pursue the recognition of associations and parties that refuse to discriminate against blacks of sub-Saharan descent. We are working to repeal the amnesty law which, since 1993, has protected the perpetrators of mass deportation, torture and killings committed between 1986 and 1991, as part of a bloody attempt to change demography and erase linguistic diversity, so that Mauritania, finally “Arabized,” would turn its back on the Sahel – its natural state. Allow me, here, to show you two faces of the victims of the attempted ethnic cleansing in Mauritania: Houleye Sall, 80 years old, has persisted, for almost three decades, toward the rehabilitation of her only son. One among hundreds of others tortured, Lieutenant Abdoulaye Sall died, at the age of 31, from being torn between two moving cars on the orders of his superiors within the army.
We can only underline the paradox in the fact that the Mauritanian state, instead of being driven by its admission to the Human Rights Council in January 2020 to respect its commitments, flagrantly flouts human dignity and violates the most fundamental human rights.
Our suffering is in no way attributable to the West, even less to colonization or the slave trade. It comes to us from within our African societies, under the influence of the East. Like our parents and those before them, we have endured the persecution inflicted by our fellow Arab-Berber citizens; yet we share our religious faith, worship and often language.
On another front, we continue to demand equitable access to civil status and voter lists because we are certain that we represent a majority of at least 70% of the population; the weight of the votes, one day, will oblige our judges to stop covering up the crime of slavery and trivializing “negrocide”; they will glorify international law, they will accept a minimum of universality and renounce the pretenses of cultural relativism. One day, Mauritania will repeal Article 306 of the penal code whose zeal based on the interpretation of the Quran, punishes with death, on the spot, the refusal to pray, blasphemy and apostasy, with no right to repent. I almost died of it. Applying the laws of Daesh and claiming to be fighting against terrorism creates a conundrum and is indeed a lethal lie. My country, Mauritania, now provides a favorable environment for the establishment of an Islamist theocracy. This might be a taboo but it is the truth and I testify here before you today, as a whistleblower.
I welcome the hundreds of young people, the dozens of scholars and intellectuals, brave dissidents, from the feudal systems that we are determined to dismantle; they carry high and far the impulse of generosity and voluntarism from which I draw the intensity and the constancy of my fight. With your permission, I dedicate this Courage Award to them.
Ladies and gentlemen, the distinction of the year consolidates my commitment to the path of peaceful alternation, thanks to the power of the ballot box. Of course, I cannot respect the values of those who oppress me, but I will never encourage a coup d’etat, a sedition or any use of force. The words are vectors of subversive ideas and proposals for reform and remain our exclusive weapons. We want to persuade instead of arouse fear. Fear leads to overkill, which kills. But we love life.
Thank you.
12th Annual Geneva Summit for Human Rights and Democracy, UN Opening, Monday, February 17, 2020